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Articles sur Montherlant (hors presse)

37. Mariette Lydis (comtesse Govone) et Montherlant, par Henri de Meeûs

 

Mariette Lydis en 1927.

 

“Vous êtes à Paris le seul ami qui me manque et dont j’éprouverai la nostalgie toujours.”
(Mariette Lydis, de Buenos-Aires)

“Espèce de déité en acier, indépendant de tout contact humain, Montherlant n’a besoin de personne. Sa franchise, sa clarté de jugement sur le monde et sur lui-même sont désarmantes.”
(Mariette Lydis)

“Mariette Lydis nous introduit dans un monde d’êtres émouvants ou exquis, qui est celui-là même auquel se confinent les gens intelligents, je veux dire les gens qui tiennent pour une preuve extrême d’intelligence, de jouir de ce qu’il y a de beau sur la terre.”
(Henry de Montherlant)

“Ce visage dessiné de jeune fille, dans le hall de la Bibliothèque Nationale, par lequel je connus Mariette Lydis, je savais bien qu’il m’ouvrait quelque chose, mais pouvais-je croire que ce serait un univers où je me retrouverais moi-même ?”
(Henry de Montherlant)




Mariette Lydis est un personnage très fort, étonnant, mobile, une grande artiste, qui a illustré de nombreux livres dont plusieurs de Montherlant.
Elle est née à Vienne-Baden (Autriche) en 1887 et est décédée à Buenos-Aires en 1970 à l’âge de 83 ans. Elle avait donc 8 ans de plus que Montherlant.
Une profonde et réelle amitié les a réunis sans nuages et sans brouilles jusqu’à la mort de Mariette.
N’oublions pas qu’Henry de Montherlant fut très doué pour le dessin (taureaux, animaux, athlètes, nus féminins et masculins, enfants, etc…). Une partie de son œuvre de dessinateur fut publiée.

1. Vie de Mariette Lydis

Elle est née Marietta Ronsperger le 25 août 1887 à Baden près de Vienne. Elle est donc autrichienne. Elle n’a jamais été précise sur sa date de naissance, car on cite 1884,1890, 1894. Mais 1887 est la date la plus certaine selon les spécialistes qui ont étudié sa vie. Elle parle bien le français avant de parler l’allemand. Sa vie sera caractérisée par de nombreux déménagements et de nombreux voyages (l’Allemagne, la Russie, la Turquie, le Maroc, la Grèce, la Suisse, l’Italie, la France où elle séjournera à plusieurs reprises, l’Angleterre de août 1939 à juillet 1940, et enfin l’Argentine (Buenos-Aires de 1940 à 1948, puis de 1950 jusqu’à sa mort).

Son premier mari est grec ; il s’appelle Jean Lydis, grand sportif et excellent joueur de tennis. Elle l’épouse en 1920 mais s’en séparera en 1923.
Elle continuera à porter le nom de Lydis pour sa carrière artistique.

En 1925, elle rencontre l’écrivain italien Massimo Bontempelli qui lui présentera Montherlant et qui l’introduit dans les milieux intellectuels et artistiques parisiens. Elle s’installe à Paris en 1926. Elle va illustrer de nombreux ouvrages d’écrivains français : Pierre Louys, Baudelaire, Octave Mirbeau, Henry de Montherlant, Paul Valéry, Verlaine, Jules Supervielle, Delteil… etc.
Elle aura une liaison avec Joseph Delteil, écrivain français que connait bien Montherlant.
En 1928, elle vit avec le comte Giuseppe Govone, éditeur et propriétaire des éditions “Les Presses de l’Hôtel Sagonne”. Elle l’épousera officiellement à Paris le 1er août 1934.

 
 

Armoiries des
Comtes Govone.

(Giuseppe Govone (né le 2 septembre 1885 à Menaggio - mort le 27 août 1948 à Milan) était un comte italien, qui vivait à Menaggio, près du lac de Côme dans la province de Côme en Lombardie, avant de s’installer en France, où il devint éditeur d’art. Il est l’arrière-petit-fils du général Govone (1825-1872), ami de Gabriele D’Annunzio, dont il fut l’un des légionnaires. Giuseppe Govone a fondé en France, dans les années 1920, les Éditions Govone. Il publiait des ouvrages d’écrivains tels que Baudelaire, Maupassant, Montherlant, dans de luxueuses éditions, illustrées d’œuvres de son épouse, Mariette Lydis. Giuseppe Govone mourut à Milan en 1948. Il est enterré au cimetière de Menaggio,)

Mariette Lydis va durant toutes ces années entretenir une très forte amitié avec Henry de Montherlant captivé par la beauté de son travail.
Montherlant détestait l’art abstrait.
En 1939, (crainte des Allemands ?), elle rejoint l’Angleterre avec son amie Erika Marx, éditrice, fille du riche collectionneur Hermann Marx. Elle quitte à regret la France et son mari le comte Govone. Elle va s’installer quelques mois à Wincombe près de Londres jusqu’à son départ pour Buenos-Aires en juillet 1940.
Le comte Govone rejoindra sa femme en Argentine où il publiera certains ouvrages jusqu’en 1948, année de leur retour en France.
Giuseppe Govone décède en 1948 à Milan.
Mariette Lydis se réinstalle dans son appartement parisien pour peindre et travailler. Durant les années 50, craignant les Soviétiques, elle retourne en Argentine définitivement tout en gardant ses contacts avec ses amis français, les éditeurs d’art et les écrivains dont son fidèle Montherlant.
En 1969, Mariette Lydis très appréciée en Argentine fait une donation de ses œuvres au musée de Buenos-Aires.
Elle décède à Buenos-Aires en mai 1970, deux ans avant la mort de Montherlant, et repose au cimetière de la Recoleta où sont enterrées les célébrités argentines.

2. Portrait de Montherlant par Mariette Lydis

MONTHERLANT
(texte de Mariette Lydis, écrit en français en 1960, resté au stade d'ébauche)

“Comment est Montherlant ?
“Combien de fois m’a-t-on posé cette question car Montherlant est invisible, inaccessible, entouré de légendes, de mystère.
“Son téléphone est dressé, il a des journées interdites, il n’est pas un moyen de communication, plutôt le contraire. Montherlant habite une forteresse.
“Montherlant m’invite à dîner. J’arrive Quai Voltaire à huit heures. Le domestique m’introduit dans la pièce que je connais, froide, pleine de statues romaines, vide de tout confort. "Mon préféré : un masque troué de guerrier.
“Le domestique est un long type qui s’appelle Monthéri malgré qu’il soit russe. Il se qualifie au téléphone comme “L’ordonnance de M. le Comte”. Montherlant commente : “Et voilà les gens qui me détestent qui doivent dire : Il a dressé son domestique comme s’il était général.”

 

Montherlant par Mariette Lydis (1949).

 

“Au début, il y a dix ans, à peine entré à son service, Monthéry demandait : Monsieur le Comte moi pouvoir faire pipi ? à la suite de quoi, Montherlant l’engagera à le faire sans autorisation.
“Quelle vue noble celle de ses fenêtres sur Le Louvre au-delà de la Seine ! Quel calme, cette fin de journée au mois d’août !
“Montherlant ne ressemble à personne, ni physiquement et encore moins dans sa personnalité. Les soirées avec lui - car grands travailleurs lui et moi, nous ne nous permettons le luxe de nous rencontrer qu’à la fin du jour.
“Je sens avec lui une liberté de paroles dans tous les domaines comme avec personne. Son grand esprit libère des restrictions que l’on a besoin de s’imposer généralement.
“La qualité multiforme de son esprit étonne toujours à nouveau. Sa conversation produit une étincelle, une vibration inégalable ; on devient plus intelligent à son contact. C’est comme si des régions en vous s’éclairaient qui, généralement, étaient restées dans l’ombre. Tout cela malgré une apparente sécheresse, une distance qui le font paraître rêche et “infléchissable”. En plus, lui que l’on traite de cynique, ce qui devrait être traduit par pudique, pudeur du sentiment de ceux qui sont ultra-sensibles, ultra-vulnérables, lui que l’on "appelle égocentrique et Dieu sait qu’il l’est, cependant est le seul être qui sache écouter avec respect, intérêt, concentration et mémoire.
“Combien de fois l’ai-je entendu dire : je me souviens de ce que vous m’avez raconté il y a dix ans. Quelle est la personne qui se souvient de ce qu’on lui a dit, il y a dix ans ? (…)
“Espèce de déité en acier, indépendant de tout contact humain, il n’a besoin de personne. Sa franchise, sa clarté de jugement sur le monde et sur lui-même sont désarmantes.(…) "Prestigieux auteur, écrivain de première ligne (…)

3. Montherlant écrit sur Mariette Lydis

(Ci-dessous quelques courts extraits des 17 pages écrites par Montherlant dans l’ouvrage sur Mariette Lydis, publié aux Editions des Artistes d’aujourd’hui à Paris en 1938 avec 55 illustrations des œuvres de l’artiste)

 
 

Autoportrait de Mariette Lydis (huile, Paris, 1931).

“Lorsqu’on entre dans l’œuvre de Mariette Lydis, on respire. Humanité et beauté. Des bêtes, de la jeunesse, un verger de visages, des costumes de féerie. Vraiment l’oasis. (…) Ce qui occupe sans répit Mariette Lydis - comme l’auteur de ces lignes - c’est l’être humain : l’être humain dans son âme exprimée par son visage, et l’être humain dans son âme exprimée par son corps, car le corps trahit, lui aussi. (…) Une lyrique éclatante d’aveux (…)
Ces lapins, ces perroquets, ces porc-épics, ces lézards, ces singes ne sont qu’à elle, et si subtilement qu’on ne saurait dire en quoi. Ces poulets sacrés qui promettent, sinon une victoire navale, au moins tout un arc-en-ciel d’entrailles. Cette belette qu’on voudrait se mettre à genoux pour adorer.(…) De ses femmes, que dire ? L’artiste revient avec amour à un certain type de très jeune fille auquel le grand public la reconnait d’abord. Petites filles formées depuis peu, au regard intense, avec l’animalité fréquente dans les visages des fillettes de cet âge et que personne n’a rendue comme Mariette Lydis (…) D’innombrables visages limpides : ces maternités si expressives et si sensibles, ces inattendus portraits d’hommes, pleins de force, ces jeunes filles et ces enfants candides… Des Vierges à l’Enfant qui me touchent autant que les plus belles œuvres du XVème siècle italien, qu’elles rappellent (…) De grands nus féminins, à la mine de plomb, légèrement relevés d’aquarelle, parfois subtils comme des Holbein, magnifiques de loyauté et de maîtrise, aussi sobres que la première manière de l’artiste était débridée.(…) Faut-il penser que ces beaux nus marquent le moment où Mariette Lydis s’est mise à travailler sur modèle ? Elle-même a expliqué les diverses raisons qui l’empêchèrent pendant des années d’user de modèles. Un jour elle y vint. “Alors seulement je découvris le corps humain.” (…) Sa diversité nous dit que tout est égal dans la nature, et que tout y est bon. Tel est, à mon sens, son message, et s’il est un peu ambigu, ainsi l’est celui de la nature, c’est à dire celui de la santé même.”

4. Quelques documents extraits de la correspondance entre Montherlant et Mariette Lydis

Lettre de Montherlant à Mariette Lydis datée 25 Quai Voltaire, VII°,16 oct. 1945

Chère Mariette Lydis,

Je viens d’avoir des nouvelles de vous par votre amie anglaise (celle qui vivait chez vous). Combien de fois j’ai demandé de vos nouvelles depuis cinq ans à Lefebre, à Mornand,etc… Et de celles de M. Govone. En gros, on m’avait renseigné assez exactement. Je suis bien heureux d’apprendre que vous et Govone vous allez bien, et même projetez de revenir au printemps à Paris. En 1940, j’ai fait trois semaines de campagne militaire comme correspondant de guerre de Marianne, et ai été très légèrement blessé, puis un an dans le midi, puis retour à Paris, où j’ai eu deux pièces jouées, au Théatre français et au Théâtre. St Georges. Et depuis je suis resté à Paris, où vous devez savoir que l’édition ordinaire est en veilleuse, faute de papier, mais que l’édition de luxe est florissante (et n’a jamais cessé de l’être depuis cinq ans), ce qui, je l’espère, promet de beaux jours à Govone et à vous. J’espère que nous nous retrouverons encore sur les mêmes pages, et vous dis un amical à bientôt. Montherlant

Lettre de Montherlant à Mariette Lydis, datée de Paris du 15 mars 1947

 

Marie Paradis, une des héroïnes des
Jeunes Filles de Montherlant,
par Mariette Lydis, 1937.

 

Chère Mariette Lydis,

Vous me demandez gentiment de vous parler de moi, m’étant fait prêter à nouveau votre récent album, que j’avais eu trop peu de temps entre les mains. J’aime mieux vous parler encore de votre préface. Ce que j’en aime ? Voici, au courant de la plume. “J’ai tout ce que je désire”. Moi, aussi, cette constatation simple et innocente du bonheur, et n’en avoir pas honte. Votre amour pour votre travail, vous l’appelez “refuge”. Je l’ai souvent appelé “drogue”. Seriez-vous assaillie des préoccupations les plus pressantes et les plus graves, il peut arriver que ce qui soit bien soit de tout cesser - en apparence - une folie pour se donner deux heures de travail : ces deux heures suffisent à vous rendre votre équilibre, comme une piqûre rend son équilibre à un malade.

“Travailler à mon goût, c’est travailler toujours.“Moi aussi encore une fois. (Barrès a écrit : “Je veux travailler 24 heures par jour”.) J’ai travaillé dans toutes les circonstances, et, dans la guerre, à des moments où raisonnablement j’aurais dû n’avoir d’autre souci que de sauver ma vie. Et quand vous terminez, pensant à la mort, par “J’aimerais tant peindre un peu encore”, je songe à ce que je me dis souvent ces temps-ci : “Je demande quatre ans”. A propos du travail et de l’amour, connaissez-vous la phrase de Gobineau : Il y a le travail, puis l’amour, puis rien ? Combien de fois je me la suis répétée, car il me semblait que c’était moi qui l’avait écrite ! Mais autrefois, dans cette phrase, j’intervertissais les mots amour et travail.

“Donner un côté humain et émouvant à ce que je fais”. Voilà, je pense, la clef de votre art, et voilà pourquoi il me touche. J’ai de plus en plus horreur de “l’art intellectuel”, “abstrait”, de la déformation, etc… qui constituent ce qu’on appelle aujourd’hui la peinture moderne. Moi aussi dans mon art (et le théâtre m’y a incliné plus encore), je ne cherche que l’humain, et j’avoue sans masque que je cherche aussi à émouvoir. (…)

Je ferai les deux ou trois pages que vous me demandez pour Serge Sandrier. Ou du moins je donnerai plus d’unité à ces pages. Mais je crois qu’il vous faut trouver vos motifs d’illustration dans les seules pages que vous avez déjà.

Et voici pour “mon projet de collaboration”. J’aurais voulu ne vous en parler qu’à Paris, mais, hélas, je pense que vous ne viendrez jamais. Je me suis occupé pendant plusieurs années, sous l ‘Occupation, de la Croix-Rouge suisse - assistance aux enfants éprouvés par la guerre : colonies scolaires, départ des enfants pour la Suisse, convois en chemins de fer et camions. J’ai écrit là-dessus 80 pages dont, picturalement, le thème est : enfants français des deux sexes, du peuple, plus ou moins marqués par la guerre (je veux dire les uns souffreteux et hagards, mais les autres parfaitement sains). En somme, un album de visages d’enfants. Cette petite œuvre, terminée depuis trois ans, est restée inédite, simplement parce que je voulais en donner l’originale qu’illustrée, et que je n’ai jamais trouvé d’illustrateur, (que des “déformateurs”). Je sens bien que pour illustrer cela, il vous faudrait des visages français… Voulez-vous malgré tout que je vous envoie le texte ? Mais dites-moi alors où, (à quelle adresse), en calculant que le temps de faire dactylographier à nouveau, je pourrais vous l’envoyer, par la voie postale, dix jours environ après avoir reçu votre réponse. Donnez-moi des nouvelles de votre mari et croyez-moi votre très amicalement, Montherlant.

Lettre de Montherlant à Mariette Lydis du 14 septembre 1948 (sur la mort du comte Giuseppe Govone décédé le 27 août 1948 à Milan)

Vous devinez avec quelle peine j’ai appris la triste nouvelle. Il y a deux mois, votre mari m’avait paru fatigué et rongé. Mais je ne pensais pas que sa fin fût si proche. Vous savez mieux que quiconque tout ce qu’il y avait en lui de racé, d’élégant moralement et physiquement, de délicat. C’était un homme d’une autre époque. Comme je regrette de ne l’avoir pas rencontré davantage pendant son récent séjour à Paris ! Comme je voudrais l’avoir regardé en sachant que c’était la dernière fois ! Peut-être aurais-je su mettre dans mes paroles un écho de sympathie et l’estime véritable qu’il m’inspirait. Mais la vie passe et ce qui est important nous échappe, distraits que nous sommes pour des demi-futilités. Je m’exprime bien dans mes livres, mal dans mes lettres, plus mal encore en paroles. Mais je pense que, même sans cette lettre-ci, vous auriez vu la part profonde que je prends à votre chagrin, et le souvenir pénétrant que je garde de votre mari. Croyez-moi votre amicalement dévoué, Montherlant.

Letttre de Montherlant à Mariette Lydis, datée de Paris, 25 janvier 1950

Chère Mariette Lydis,

Vous n’avez pas digéré “vous et vos maisons”. Et moi je n’ai pas digéré la lettre que vous m’avez écrite à ce propos. Je préfère ne pas la relire avant de vous écrire. Il y a maléfice sur toute correspondance. Toujours source de malentendus - et il me paraît incroyable que vous ayez pu être blessée par une phrase qui signifie simplement : “ce qui me différencie de vous, c’est…” C’est à peu près comme si je vous avais dit : “Ce qui me différencie de vous, c’est que vous aimez les perroquets, et moi, non”. J’en viens à me demander si, malgré votre excellente connaissance du français, vous ne mettiez pas dans ce mot “sépare” une nuance morale péjorative, qui n’y existe absolument pas en français.Evidemment, je serais enchanté que vous vous intéressiez à ma petite infante. Je vous envoie le livre, mais me doutant que quelque haut intérêt international empêchera qu’il ne vous parvienne. Il y a un an, j’avais eu l’idée de vous suggérer de faire le portrait d’une petite actrice, Danièle Delorme, qui m’avait frappé comme très “Mariette Lydis”. Aujourd’hui, la voici star et célèbre, et elle va jouer ma nouvelle pièce “d’amour”, avec Victor Francen, au cours de la saison prochaine. Peut-être vous la ferai-je connaître en avril. Il me semble que, du temps où je me déplaçais, il y avait toujours beaucoup de cafard à retrouver mes anciennes demeures. L’avez-vous éprouvé à Buenos-Aires ?

Votre Montherlant

Lettre de Montherlant à Mariette Lydis datée Paris 19 septembre 1951

Chère Mariette Lydis,

 
 

Mariette Lydis et son modèle.

Vous me déroutez un peu en me disant que vous allez vous servir d’une phrase d’une de mes lettres. Car je vous écris au courant de la plume, c’est à dire sans cette attention qui est nécessaire pour qu’une phrase colle exactement sur le sentiment ou sur la pensée. Faites-le si cela vous est agréable, bien entendu. Mais pourquoi, lorsque j’ai écrit quelques 25 livres dont je prends l’entière responsabilité, citer de préférence une lettre écrite à la va-vite ? Vous me répondrez sans doute : “Elle a quelque chose de plus personnel”. Réponse de femme, à une position d’homme. Je vous ai envoyé la traduction américaine de ma pièce qui porte votre dessin sur la couverture “rempliée”. Je pense que c’est de cela que vous parlez, et non du livre de J. Sandelion, Montherlant et les femmes, qui vous fut envoyé vers novembre dernier, et portait ce même dessin sur la couverture brochée, reproduit avec votre autorisation. (…) Le testament est une chose qui porte à réfléchir. Il y a treize ans que je tripote le mien. La question essentielle qui en sort - pour un artiste - me semble être : pourquoi avoir non seulement fait, mais maintenu avec tant de fermeté, pendant toute une vie, une œuvre, pour qu’elle aille à vau l’eau, aussitôt que vous aurez disparu ? Car nul ne peut vous remplacer dans le soin à donner à votre œuvre : légitimes et illégitimes, les héritiers ne réunissent jamais, je crois, les deux vertus indispensables : le dévouement et la capacité. C’est l’une, ou l’autre ; et alors… Votre désir d’illustrer ma pièce (La Ville dont le prince est un enfant, ndlr), va au devant du mien, car elle est précisément l’œuvre “lydienne”. Et puis, il vous suffira de l’entrouvrir pour voir qu’elle vous appartient déjà. Je crois que c’est une des meilleures choses que j’aie jamais écrites, pour la construction, la compression (la concentration), la pureté de la ligne, l’émotion, la richesse et aussi la noblesse dans les sentiments. (Ne croyez pas que je m’admire à ce point dans tout ce que j’écris ! Loin de là) (…)Je ne l’ai fait lire encore qu’à deux personnes (en dehors de l’éditeur), deux femmes (mères), (dont Marguerite Lauze ndlr.) L’une m’a dit que c’est ce qui la touchait le plus dans toute mon œuvre (…)

Affectueusement,
Montherlant

Lettre de Montherlant à Mariette Lydis datée Paris, le 29 décembre 1969. 25, quai Voltaire

Madame Mariette Lydis
Cerrito 1278, Buenos-Aires
Buenos Aires

Chère Amie,

Je reçois votre lettre de vœux, ainsi que les très beaux documents que vous m’envoyez, qui me montrent à quel point vous êtes appréciée en Amérique du Sud. Vous avez raison de me dire à ce propos un mot un peu amer sur la France. Vous savez quels sont les peintres qui sont exaltés jusqu’à l’apothéose en France. Il vaut mieux que nous n’en disions pas plus, car c’est un jugement général sur la France qu’il faudrait porter et que je ne veux pas porter. Mais je n’en pense pas moins.

Je n’ai pas pu poursuivre l’idée d’une collaboration avec vous pour Les Garçons à cause des complications vraiment terribles qu’auraient causées l’envoi des pierres et aussi toute la correspondance à échanger au sujet d’un pareil projet, et en passant quelquefois par un intermédiaire. Vous savez bien que si vous aviez été à Paris la chose aurait été faite tout de suite. 
 ;Les Garçons paraitront dans une édition à 350 exemplaires, en deux volumes sous même emboitage, avec soixante lithographies originales en pleine page d’Edouard Mac’Avoy, édités par un pool, étant donné la mise de fonds nécessaire, quarante millions d’anciens francs, paraît-il. Le volume sortira à l’automne 1971.

Je suis actuellement dans les répétitions de Malatesta, qui sera donné à la Comédie française le 28 janvier, et d’une Tournée Karsenty de La Ville dont le prince est un enfant, pendant qu’une autre troupe continue d’interpréter la pièce à Paris, où elle a atteint sa 750° représentation. Jean Meyer en a tiré aussi un film, que vous verrez peut-être à Buenos-Aires, mais pas avant 1971.

Je regrette beaucoup que vous ayez quitté l’Europe, et vous n’avez cessé de me manquer ; nous aurions continué de collaborer ensemble, et nous aurions dit entre quatre murs ce que nous pensons de la peinture que l’on impose aux Français.

Je vous envoie mes meilleurs vœux et mes meilleures amitiés.

Henry de Montherlant

Lettre de Mariette Lydis à Henry de Montherlant datée du 27 mars 1970 (cette lettre est la dernière de Mariette Lydis adressée à Montherlant, car elle meurt le 26 avril)

Buenos Aires
Marzo 27 de 1970

Mon très cher ami,

Vous ne savez pas la joie que j’ai eue de voir votre écriture que je n’avais pas vue depuis si longtemps. Pour vous dire la vérité, cette joie, votre lettre, a été un des grands plaisirs que j’ai pu ressentir pendant les trois mois de ma maladie. Je vous dirai même que votre lettre est là, sur ma table de nuit, et je ressens chaque fois que mon regard la rencontre le même plaisir intense que lorsque je l’ai reçue ; 
 ;D”abord de voir votre écriture, ensuite que vous me félicitiez pour la série d’heureuses coïncidences qui a fait que j’ai laissé la France en échange de l’Argentine, qui m’a concédé tant de joies, de 
 ;triomphe et de récompenses. Mais avant tout votre phrase finale, si affectueuse, qui m’est allée droit au cœur. Vous êtes à Paris le seul ami qui me manque et dont j’éprouverai la nostalgie toujours.

Mariette Lydis

5. Liste (non exhaustive) des ouvrages illustrés par Mariette Lydis

  1.  

    Illustration de Mariette Lydis
    pour Serge Sandrier
    de Montherlant

     
    Le premier livre illustré par Mariette Lydis : “Der Mantel der Träume”. Chinesische Novellen von Béla Balázs. Mit 20 Bildern von Mariette Lydis. 1922, Müchen, Verlaganstalt D. & R. Bischoff. Reliure d’éditeur rigide toilée beige avec titre bleu sur premier plat et dessin bleu d’un dragon sur le dos. Une série de 16 histoires inspirées de contes chinois, écrites en allemand par l’écrivain hongrois Béla Balázs. Première édition 1922 et premières illustrations publiées de Mariette Lydis. (Deux autres ouvrages, illustrés par Mariette Lydis vont être publiés en langue allemande au courant des 3 années suivantes : Miniaturen zum Koran, 1924 et Orientalisches Traubuch, 1925). Cet ouvrage comporte 20 planches sur papier Japon, hors-texte signées de sa première signature d’artiste : MPK (Marietta Pachoffer Kary).
  2. Mariette Lydis, Le livre de Goha le Simple, 1926, A. Adès et A. Josipovici, La Connaissance, Paris, Collection des chefs-d’œuvre, 1926. Tirage limité à 1000 exemplaires numérotés de 1 a 1000. Préface d’Octave Mirbeau, illustration par Mariette Lydis. 45 gravures hors texte en noir et blanc légèrement rehaussées de couleur et chacune, protégée par une feuille de papier semi transparente. Deux volumes brochés.
  3. Henry de Montherlant, Lettre sur le serviteur châtié, in Cahiers Libres, Illustrations de Mariette Lydis, Paris 1927
  4. Criminelles, album de 24 eaux-fortes avec préface de Mac-Orlan, Chez Mariette Lydis, Paris 1927
  5. A de Richaud, Vie de Joseph Delteil, frontispice de Mariette Lydis, Soc. Nouvelle d’Edition, Paris 1927
  6. Joseph Delteil, Le Petit Jésus, 5 eaux-fortes de Mariette Lydis, Ed. Delta, Paris, 1928
  7. Baudelaire, Les Fleurs du mal, 10 eaux-fortes de Mariette Lydis, Editions Govone, Paris 1928
  8. Armand Godoy, Le Colloque de la joie, masques, Editions Emile Paul, Paris 1928
  9. Edgar Poë, Le Corbeau, traduction Godoy, Frontispice de Mariette Lydis, Editions Emile Paul, Paris 1928
  10. Henry de Montherlant, Le Chant des amazones, 8 lithographies de Mariette Lydis, Editions Govone, Paris 1931
  11. Ovide, L’Art d’aimer, 14 lithographies de Mariette Lydis, Editions Govone, Paris 1931
  12. PROGRAMME DU "BAL DES PETITS LITS BLANCS”. Soirée organisée par le journal "Le Jour", le 6 février 1934. Très nombreuses illustrations, photographies et publicités. Avec un texte de Colette sur 4 dessins de Mariette Lydis
  13. Pierre Louÿs - Aphrodite - 1934, Union Latine d’Éditions, 33 Quai des Grands-Augustins, Paris. 258 pages. Dix illustrations hors-texte couleurs, une hors-texte N/B et un dessin sur la page titre de Mariette Lydis.
  14. Pierre Louÿs - Psyché - 1934, Illustré par Mariette Lydis. Union Latine d’Éditions, Paris 190 pages. Cinq illustrations hors-texte N/B, une hors-texte couleurs et un dessin sur la page titre de Mariette Lydis
  15. Pierre Louÿs - Les aventures du roi Pausole - 1934. Illustrations de Mariette Lydis. Union Latine d’Éditions, Paris. 340 pages. Neuf illustrations hors-texte N/B, une illustration hors-texte couleurs et un dessin sur la page titre de Mariette Lydis.
  16. Pierre Louÿs - Sanguines - 1934. Illustrations de Mariette Lydis. Union Latine d’Éditions, Paris. 218 pages. Cinq illustrations N/B hors-texte et un dessin sur la page titre de Mariette Lydis
  17. Programme du Bal des Petits Lits Blancs du mardi 4 juin 1935. Soirée organisé par le journal "Le Jour" au Cercle Interallié. Très luxueux programme pour une soirée de bienfaisance au profit des enfants défavorisés. Illustrations de Mariette Lydis, Marie Laurencin, Georgette Rostain, Jean Cocteau, Paul Colin, Raoul Dufy, Louis Jou, Vertes, … etc. Textes de Jean Cocteau, André Maurois, Francois Mauriac, Pierre Mac Orlan, … etc. Nombreuses publicités aux graphismes raffinés qui évoquent la société de luxe de l’époque.
  18. André Lichtenberger. Angomar et Priscilla. Éditions Calman-Levy, Paris collection "Pour nos enfants “. 1935, Illustrations Mariette Lydis. Cartonnage éditeur illustré sur les deux plats, dos toilé. 32 pages, Illustré de nombreuses lithographies en couleurs de Mariette Lydis tirées sur les presses de Mourlot Frères, dans le texte et hors texte.
  19. Henry de Montherlant, Pitié pour les femmes, 5 lithographies de Mariette Lydis, Grasset, Paris 1937
  20.  
    Edmond Rostand. Chantecler, 1938. Éditions Pierre Lafitte, Paris. 15 Illustrations de Mariette Lydis, hors-texte, coloriées à la main. Nombreux bandeaux et cul-de-lampes décoratifs de Sylvain Sauvage. Edition Limitée à 2575 exemplaires, 313 pages
  21. Mariette Lydis. “Coupe à travers moi-même” - 1945. Editions Viau, Buenos Aires. Édition originale limitée à 2085 exemplaires,
  22. Charles Baudelaire. Petits poèmes en prose. 1948 aux Presses de la Cité, Paris - illustré de 22 dessins par Mariette Lydis gravés sur cuivre. Édition limitée à 247 exemplaires + quelques exemplaires d’artiste, imprimés sur les Presses de l’Hôtel Sagonne, Paris.
  23. Henry de Montherlant, Serge Sandrier, illustrations de Mariette Lydis, Edition Gilbert Droin, Paris, 1948.
  24. Mariette Lydis - Henry de Montherlant. 1949. Nouvelles Éditions Françaises, Paris. Édition originale limitée : un tirage de 1850 exemplaires sur bouffant gris des Papeteries de Savoie. Ouvrage en feuilles, sous couverture rempliée fermée avec un lacet et étui d’éditeur en carton. Treize pages de texte d’Henry de Montherlant sur Mariette Lydis suivi de 16 planches hors texte d’œuvres de Mariette Lydis (28 X 38 cm)
  25. Le Cantique des cantiques. Traduction des textes sémitiques par le Dr J. C. Mardrus. Illustrations de Mariette Lydis. Éditions L. C. L. Paris, Collection Les peintres du livre. Sans date (vers 1968). Tirage limité à 3050 exemplaires numérotés soie) sur le dos, environ 110 pages. Douze illustrations pleine page en noir et blanc de Mariette Lydis

6. Œuvres de Mariette Lydis dans les collections publiques

Amsterdam (Stedelijk Museum), Florence (Galleria degli Uffizii, et Cabinetto dei Disegui e Stampe), Genève (Musée d’Art et d’Histoire), Leipzig (Museum der Bildenden Künste), Londres (British Museum, and Victoria and Albert Museum), Milan (Castello Sforzesco), Paris, (Musée du Jeu de Paume, Bibliothèque Nationale, et Cabinet des Estampes), Utrecht, (Aartsbisschoppelijk Museum), Vancouver (Art Gallery), Vienne(Albertina), Buenos Aires, etc.

7. Sources de l'article

  1. Pour la correspondance Lydis-Montherlant : extraits du blog http ://worldofdream.over-blog.com/categorie-11004593.html
  2. Article sur Mariette Lydis dans Wikipedia
  3. Travaux de Monsieur Gérard Barbier spécialiste de Mariette Lydis
  4. Henry de Montherlant, Mariette Lydis, Editions des Artistes d’aujourd’hui à Paris,1938, avec 55 illustrations de Mariette Lydis.

Les Nuages, par Mariette Lydis (huile, 1934).