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Articles sur Montherlant (hors presse)

3. Montherlant vu par André Gide

Extraits du Journal (1889-1939) d’André Gide (Pléiade, NRF, 1948)

 
   

27 octobre 1927 (p. 856)

“Montherlant fait un peu indiscrètement sonner, à mon goût, ses titres de noblesse. Et puis il est porté par le courant. Quand j’écrivais les Nourritures, j’étais seul, et revenais, à n’en pas douter, de plus loin.”

4 novembre 1927 (p. 858)

“Montherlant est charmant. Ni Rivière, ni moi ne nous sommes mépris sur ses rares qualités, dès l’envoi à la N.R.F. de son premier manuscrit. Mais je n’aime pas les “Fontaines du Désir”. Il y a là de la caracole, de la piaffe ; cela sent son cheval de race et “l’étalon cabré” ; mais également un peu le cirque, les tréteaux, et le regard étonné du public auquel sans cesse il fait appel ; quel désœuvrement profond, quel égoïsme cachent ces parades et ces jeux !”

2 septembre 1928 (p. 886)

“Je ne suivrai pas Montherlant dans sa grande (et, ma foi très éloquente) offensive contre les femmes, contre la Femme (Nouvelles littéraires, numéro consacré à Tolstoï). Je crois simplement que l’erreur c’est de ne considérer la femme que comme un instrument de plaisir.”

Alger, 14 janvier 1929 (p. 906)

“Mon regard, mon esprit, ne se posaient nulle part, qu’ils ne trouvassent à s’égratigner et s’endolorir… Un coup de téléphone de Montherlant vint fort à propos, comme un chant de coq, mettre en fuite les fantômes crépusculaires…”

Extraits du Journal (1939-1949) d’André Gide (Pléiade, NRF, 1954)

6 juin 1941 (p. 79)

“Désinvolture” ; oui, c’est bien le mot qui convient, et Montherlant l’emploie à merveille. Il excelle à bailler pour vertu (qui plus est : pour vertu rare) et “liberté d’esprit”, ce qui, je le crains bien, n’est qu’égoïste désintéressement de la chose publique. Il cite avec complaisance un mot de Gourmont et l’on sent bien que, lui de même, la guerre “ne le gêne pas.”
Quantité de gens restent assez fortunés pour n’avoir pas beaucoup à pâtir des restrictions, et tiennent l’état présent pour mieux que simplement supportable (…) Les discours du “rat qui s’est retiré du monde”, qu’il soit artiste ou philosophe, sentent toujours un peu son fromage.”

11 avril 1948 (p. 325)

“Le Malatesta que Montherlant vient de m’envoyer et dont j’achevais hier soir la lecture, me paraît œuvre bien médiocre. Médiocre au point de me faire regretter la lettre très cordiale, en remerciement de ce Malatesta, que j’eus sans doute grand tort de lui écrire et envoyer avant lecture. Décidément je ne peux maintenir mon estime pour un homme aussi précautionneux ; si excellent écrivain qu’il puisse être. Il a beau se camper en héros : à travers sa pourpre, je reconnais sans cesse un froussard qui se garde à carreau. Plus soigneux encore que Cocteau pour l’éclairage de son personnage et soucieux de l’opinion d’autrui, avec l’air de planer et de survoler le vulgaire ; un indéfinissable fonds de vulgarité qu’il dissimule sous une feinte goujaterie et une affectation de dehors cyniques, mieux encore que par son allure de conquistador à la Barrès. Ah ! combien tout cela me déplaît.”